Une délivrance citronée

Dans cette nouvelle, “Une délivrance citronnée”, j’ai démontré les méfaits qu’une mauvaise relation maternelle peut déclencher dans l’esprit d’un enfant.

Etienne sortit du presbytère abasourdi, décontenancé, ébaubi par la nouvelle qui venait de lui être révélée. Il ne remerciera jamais assez le prêtre d’avoir violé le secret de la confession. Certainement pour sauver leur âme à tous deux ! Il rumina tout au long du chemin. De retour chez lui, il s’enferma dans sa chambre. Par chance, il n’avait pas croisé cette mère indigne.

Ainsi, elle l’empoisonnait à petit feu ! Il ingurgitait quotidiennement une quantité d’un poison quelconque. Une mère ne devrait pas se comporter ainsi ! Bordel de merde ! Depuis combien de temps ourdissait-elle sa mort ? Celle de son seul fils ! D’avant sa rencontre avec Jean ? Ou cet amant lui avait-il susurré sur l’oreiller ? Et, putain, pour quelle raison ? Pour vivre pleinement sa vie ? Ne plus avoir son lourdaud de fils sur les bras ! Satisfaire ce « soi-disant » ami ! Et depuis combien de temps étaient-ils amants ? Jean devait avoir un argument corporel apprécié pour que maman daigne me sacrifier !

Finalement, Etienne s’en contrefoutait. Savoir, c’était le principal. Pour le moment.

Devrais-je attendre la mort sans réagir. Oh que non ! Ce n’était pas son tempérament. Se défendre, il n’y avait que cela qui importait dorénavant ! Mais comment ? Comment y parvenir sans éveiller les soupçons ? Sans annoncer à cette sotte bonne-femme qu’il connaissait ses intentions ? Et, surtout, faire d’une pierre deux coups ! Jean devait également l’accompagner en Enfer. A moins que ce soit moi qui disparaisse ? Ce serait un véritable pied-de-nez pour clouer le bec à cette marâtre digne de Cendrillon.  Lui faire regretter amèrement son comportement sa vie durant.

Son plan ourdi, il décida de l’exécuter le soir-même …

***

— Maman, est-ce vous ? interpella Etienne. (Informé par le claquement de la porte, il accourait à la rencontre de sa mère qui venait de suspendre son manteau à la patère.) J’ai répondu au téléphone durant votre absence. C’était Jean.
— Que voulait-il, mon chéri ? demanda-t-elle, avant de lui déposer un baiser sur la joue.
Etienne tiqua à ce sobriquet mais il n’en laissa rien paraître et poursuivit son annonce.
— Il espérait vous voir, maman, répondit Etienne. Je l’ai donc invité à dîner ce soir. Aurez-vous le temps de préparer le dîner ?

A cet instant, le repas n’était pas sa préoccupation. Etienne espérait simplement qu’elle ne refuse pas pour lui permettre de mettre son plan à exécution.
— Tu as bien fait, répondit la mère, très guillerette. Je vais m’attarder dans la cuisine. Tu accueilleras Jean puis tu nous rejoindras pour le dîner sans toutefois t’attarder plus qu’il n’en faut. Compris ?
— Comme il vous plaira.

Jean arriva plus tôt que prévu, un bouquet à la main. Certainement pour plaire à sa dulcinée. Etienne, pour ne pas lui déplaire, l’accueillit et le mena directement au salon. Il prit son manteau puis le délaissa prétextant prévenir sa mère. L’attente fut de courte durée. Elle se présenta dans ses plus beaux atours puis minauda lorsque Jean lui tendit le bouquet.

Etienne interrompit leur conversation en apportant des verres et une citronnade élaborée par ses soins. La mère remercia son fils de cette délicate attention. Jean ne pipa mot. Etienne n’en tint pas compte. Il se gaussa intérieurement lorsqu’ils burent goulument cette boisson rafraîchissante. Au moins la première gorgée !

Le repas fut un délice de répugnance pour Etienne. Il lui déplaisait de contempler la scène romantique dont il était le témoin. Leurs mièvreries, leurs délicatesses élégantes et leurs sentiments exprimés le dégoûtaient immanquablement. Surtout le comportement de sa mère devant ce bel-âtre. Loin des pensées ignobles à l’égard de son fils !

L’horloge égrenait les derniers instants de vie de ces deux amants. Etienne était obsédé par le mouvement cyclique du pendule. Les effets du poison se manifestèrent. Enfin ! Etienne savourait sa vengeance. La mère fut la première victime. Peut-être à cause de sa faible corpulence. Elle éprouva des difficultés à respirer. Paniquée, elle prit sa gorge entre ses mains mais s’étrangla à tenter de parler. Des convulsions la firent tomber de sa chaise ; dans sa position fœtale, elles se poursuivirent sans discontinuer jusqu’à l’arrêt cardiaque.

Etienne ne broncha pas. Jean regardait tour à tour son amour et le mioche. Les prémices s’exprimaient également à travers son corps. Il comprit. Se levant pour s’en prendre à ce matricide, ses jambes se dérobèrent sous son corps convulsif. Il s’écroula face à la mère dont les yeux dénotaient significativement l’absence de vie. Il ne tarderait pas à la contempler avec le même regard.

Etienne savoura sa victoire. De courte durée, néanmoins. Pris de remords, il vida d’un trait un verre de citronnade. Sa délivrance citronnée !

Cette nouvelle “Une délivrance citronnée” était intéressante à écrire dans la mesure où la manière dont on veut traiter un sujet est un choix à ne pas négliger.

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