Saut d'un nid haut perché

Dans cette nouvelle, j’ai cherché à démontrer que la lucidité d’un événement résulte souvent de la réalisation de cet événement, en l’occurrence un saut à l’élastique, encore plus lorsqu’il comporte une part de risque.

Août 2017, dans les Gorges du Verdon. Pont de l’Artuby. L’un des ponts les plus hauts d’Europe. Une arche de béton ancrée dans les falaises calcaires, qui surplombe la rivière Verdon 182 mètres plus bas.
Contre toute attente, Cyrielle a décidé d’y réaliser un saut à l’élastique. Activité estivale par excellence pour les sensations fortes recherchées par la jeune adulte.

Harnachée, elle attend son tour impatiente, excitée. Elle cache son stress, sa peur sous une figure joviale. Rigolades avec son petit-ami venu l’encourager ou avec l’équipe technique. Cyrielle est partagée entre accomplir ce saut et renoncer, au risque de décevoir. Puis vient son tour.
Finalement, Cyrielle se décide. Elle emprunte les marches pour atteindre le rebord du pont, assistée par le technicien. Elle se conforme aux consignes données : avancer jusqu’au bord, serrer les pieds et les genoux, garder le buste droit et tendre les bras, relever le menton, fixer le regard sur l’horizon. Cyrielle se hasarde malgré tout à jeter un œil vers le bas. Elle ferme les yeux pour dissiper son vertige. Quelques secondes d’encouragements. Elle qui voulait de l’adrénaline, la voilà servie. Elle relève la tête, ouvre les yeux et se perd dans la vue sensationnelle et la beauté de ce canyon.

Brusque retour à la réalité par le décompte de l’assistant. “Trois, Deux, Un”.

Concentration. Cyrielle prend une profonde inspiration puis pousse sur ses jambes, tel l’oisillon qui s’élance du nid avec le besoin vital de battre des ailes. Certes, aucun enjeu pour la jeune adulte, simplement la fierté d’avoir réalisé cette envie.

Les quelques instants où elle se retrouve “en apesanteur” laissent vite la place à une descente vertigineuse vers cette rivière verte, suspendue par ce cordon essentiel à sa survie. La rivière l’attire à vive allure. Instinctivement, Cyrielle ferme les yeux. L’ivresse ressentie se transforme vite en un hurlement prolongé, d’intensité irrégulière, au fur et à mesure que l’élastique se déroule dans le vide. Peut-être une plainte à l’égard de son compagnon qui l’a soutenue dans cette folie.
Puis l’élastique se tend, interrompant brutalement la chute. La traction sur ses chevilles exerce une légère douleur. Cyrielle se réveille de sa torpeur. Autour d’elle, le paysage oscille au rythme des rebondissements de l’élastique.

Désorientée par les premiers sursauts de son corps, Cyrielle regarde ses pieds, tend les bras et vient chercher la corde pour éviter que le sang ne lui monte à la tête. D’autres rebonds succèdent aux premiers. La joie de la jeune adulte s’exprime par une salve de cris tonitruants, qui se réverbèrent sur les parois des gorges.
Stabilisée, Cyrielle ponctue de quelques signes de la main sa lente remontée vers le pont. Un pouce levé en signe de satisfaction dans les derniers mètres.

Hissée sur le pont, applaudie, Cyrielle manifeste sa victoire autour d’elle. Plus tard, elle réalisera que son triomphe débouchera sur cette décision irrévocable : ne plus jamais s’infliger ça !

J’espère que le voyage vous aura été agréable et que vous relativiserez sur les expériences aux sensations fortes.

6 réponses

  1. Je m identifie à Cyrielle grâce aux détails de sa chute et après avoir vécu ça par procuration, je ne sauterai jamais! Je laisse ma place aux adeptes! Récit bien construit, on se projette bien.

  2. Oui effectivement on a la peur au ventre tout en se mettant à la place de cette personne….et pour sûr je ne tenterai jamais l’expérience

  3. Bien écrit , on se plonge vraiment les émotions et le ressenti de Cyrielle. A lire avant de sauter à l’élastique peut être !!
    Nouvelle agréable à lire, accessible.
    Sauf erreur de ma part, une petite faute :
    Elle emprunte les marches pour atteindre le rebord du pont, ASSISTEE par le technicien.

  4. En effet Adeline, il serait peut-être judicieux de lire cette nouvelle pour confirmer l’envie de pratiquer un saut à l’élastique. Ça te motive alors ou pas ?
    (Faute corrigée.)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *