Mendiant en danger

Dans cette nouvelle intitulée “Mendiant en danger”, j’ai voulu l’axer sur deux qualités essentielles à tous les auteurs : la concision et la rapidité. L’impact de toute histoire dans l’esprit des lecteurs s’en trouvera considérablement augmenté. 

Julie déambulait dans les rues endormies. Une migraine et une envie de vomir pour la tenir éveillée. Elle participait à une très enivrante soirée, chez une amie, à s’amuser sans limite, sans les barrières parentales qui empêchent les adolescents de s’affranchir des contraintes sociales. Pas ce soir. Elle avait abusé de cette liberté. D’ordinaire réservée, Julie s’était enivrée jusqu’à se perdre dans des délires liés à une consommation excessive d’alcool et de cannabis. D’abord anodins, ils s’étaient peu à peu endurcis pour atteindre leur quintessence lorsque Théodoric, un gothique assumé, proposa un sacrifice pour glorifier son responsable des pires maux de l’humanité. Ils étaient alors tous décidés à trouver une victime à égorger. Les animaux de la maison avaient été écartés par la banalité d’une telle offrande. Ils étaient alors partis en quête d’une proie plus appropriée.

Des ronflements les avaient orientés vers le coin sombre d’une bâtisse désaffectée. Emmitouflé dans sa crasse, un mendiant dormait profondément. Comment aurait-il pu savoir, alors qu’il s’était endormi, que son existence prendrait fin quelques heures plus tard ? Les adolescents se regroupèrent devant ce tas immonde, puant, preuve d’une société indifférente à son sort. Voire responsable de sa déchéance.
Une bouteille de whisky passa de mains en mains. Les gosiers se délectèrent de ce breuvage enivrant. Les esprits s’excitèrent davantage. Un jeune boutonneux s’approcha du mendiant et lui urina dessus. Peut-être habitué à dormir sous la pluie, ce dernier ne réagit pas. Même les rires, les hurlements ou les critiques puériles à l’encontre du jeune ne le réveillèrent pas. Lui aussi devait tenir une bonne cuite. Du moins le supposèrent-ils en brandissant des bouteilles vides. Une copine de Julie en garda une en guise de trophée.

Le cliquetis de la lame qui surgit du cran d’arrêt ramena tout le monde à la réalité ! Comme si leur état d’ivresse avait été dissipé d’un claquement de doigts.
Nonobstant l’harangue du gothique devant ses disciples, certains délaissèrent le groupe. Ils étaient encore suffisamment lucides pour ne pas cautionner un meurtre et être envoyés en prison sans passer par la case départ. Les couilles molles ! Peu lui importait : sa divinité maléfique aurait son sacrifice. Julie était toujours présente. Elle le dévorait des yeux. Etait-ce une réaction induite par les excès de la soirée ? Ou l’attirance qu’il espérait depuis qu’il l’avait rencontrée.

Le cœur amouraché de cette fille, Théodoric tituba vers le mendiant. Il enfourcha l’homme au niveau des hanches. Inspirés par un film d’horreur très connu, ses disciples s’unirent par les mains et fredonnèrent une mélopée de circonstance. Motivé par cette mélodie monotone et triste, le gothique s’assit à califourchon sur le mendiant. Il empoigna le cran d’arrêt des deux mains et le leva au niveau de sa tête. La mort s’apprêtait à prendre une âme égarée. Théodoric hésita, néanmoins. La mélodie s’intensifia comme pour lui donner du courage. Il chercha la bénédiction de Julie. Une motivation comme une autre. L’amour pouvait flirter avec l’illégalité. Théodoric était prêt à foutre sa vie en l’air. Julie lui donna son approbation par un sourire enjôleur.

Le regard perdu dans celui de sa dulcinée, Théodoric ne remarqua pas le réveil du mendiant. Comme ses disciples. A la grande surprise de tous, le mendiant brandit un pistolet sous le nez de Théodoric, Le gothique abaissa lentement les bras puis laissa choir son arme au sol.
— Cassez-vous bande de cons, vous allez griller ma couverture !

Dans cette nouvelle “Mendiant en danger”, outre la concision de l’histoire et la rapidité des faits, j’ai également démontré les méfaits de l’alcool sur un esprit perturbé.

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