Libère ton univers

Dans cette nouvelle intitulée “Libère ton univers”, j’ai voulu démontrer que l’inspiration frappe à n’importe quelle heure et qu’il ne faut pas laisser la porte close.

Il était deux heures du matin et je ne dormais plus. Mon esprit réveillé vagabondait alors entre la conception de ma nouvelle et le comptage de moutons. Loin d’être soporifique lorsque vos pensées remuent lourdement vos méninges. Un grand nombre d’ovins avait déjà sauté la barrière de cette insomnie combattante, celle qui me tenait éveillé alors que ma bouche baillait tout le poids de ma fatigue corporelle. La couette alourdissait confortablement cette impuissance à retrouver un sommeil de plomb. Je me bousculais et me levais péniblement hors du lit. Attiré hypnotiquement vers mon bureau, et plus particulièrement, devant mon ordinateur. Sur mon passage, l’horloge du salon m’emplissait lentement et régulièrement de doux reproches. Tic-tac Retourne te coucher Tic-tac. Je ne lui en tenais pas rigueur et poursuivait insensiblement mon parcours d’une marche amorphe.

La page blanche de mon traitement de texte m’absorba au point que j’en oubliai tout le reste. Elle m’enfermait dans un cocon inviolable. Je fixais ce document vierge. Il n’était pas encore défiguré par la transcription de mes idées. Le curseur de la souris clignotait inlassablement. Tel un métronome, il rythmait les battements de mes paupières dans l’attente que mes pensées tombent en une avalanche contrôlée de mots. 
Mon regard se focalisait sur ce curseur, hypnotisé par ses lents battements. Encore cet état de passivité. A croire que la Nature m’exhortait paresseusement à m’endormir devant cet écran comploteur. 

Puis, emprunte de lyrisme, la magie opérait. Le curseur disparaissait alors que la page se tordait sur elle-même jusqu’à prendre la forme d’un cône de papier. Le tourbillon engendré par le déplacement véloce du curseur laissait des marques indélébiles sur le cône. Ces marques s’assemblèrent pour former une injonction : « Libère ton univers ! ». Puis ces quelques lettres mutèrent. Leur transformation aboutissait à une chrysalide de lettres, de mots et de phrases. Je lisais ces quelques brides et la libération eut lieu dans mon esprit. 

Mes pensées se mettaient en place, s’imbriquaient les unes derrière les autres. Les moutons avaient laissé la place aux mots. Leurs lettres noires constituaient une toison linéaire solidement ancrée sur cette page. Tout se bousculait dans ma tête. Un processus créatif digne d’un robot se substituait dorénavant à mon manque coupable d’inspiration. Mes doigts effleuraient mécaniquement les touches du clavier. Cette effervescence scripturale se dévidait soyeusement au fil de ma réflexion. L’excitation inhibait les freins de mon imagination, jusqu’alors ressentis. J’insufflais la vie dans cette page inerte.

Mes personnages existaient dorénavant ; chacun possédait sa fiche descriptive. Mon personnage principal se dénommait César Elombé, inspecteur congolais. Son physique, sa personnalité, son caractère principal, ses passions, ses soucis, etc. Autant de facteurs pris en compte pour le décrire précisément. Les personnages secondaires n’étaient pas omis. Le décor était également planté, du moins sur sa fiche. L’intrigue et le déroulement des événements n’échappaient pas à ma rage d’écrire. Avais-je le temps de poursuivre ? De délaisser ma création frénétique, mon imagination galopante au risque de les perdre ? Je regardais l’heure : 06h37. Le silence de la maisonnée endormie se prêtait monacalement à une endiablée et fervide fournaise intellectuelle.

Sans trop réfléchir, je m’activais ardemment à poursuivre la phase que j’affectionnais le plus : l’écriture. Je rédigeais d’une traite cette nouvelle. Le nombre de signes était largement dépassé. Mais qu’à cela ne tienne. Je découpais cette nouvelle en trois parties dont la dernière était la plus couverte de sang. A se relecture, je réalisais l’ampleur et le bonheur du travail accompli.

Le titre de ma nouvelle, habituellement une torture spirituelle, s’imposait à moi, simplement. « Chef-d’œuvre macabre ». Chef-d’œuvre, cela faisait référence à la mise en scène orchestrée par le meurtrier : la position du premier corps, savamment agrémentée d’indices sur le prochain cadavre. Macabre, j’en étais certain. Les meurtres et leur caractère suffisaient à affubler ainsi ce chef-d’œuvre.
Sans être d’une originalité bouleversante, il recevait néanmoins mon aval. Tout au moins me permettait-il de clore l’écriture de cette nouvelle dans les délais impartis. Mon correcteur jugera de la qualité de ce titre.

Et déjà, mes pensées volaient vers mon projet d’écriture : un roman d’heroïc-fantasy. Relever ce défi serait le gage d’une satisfaction vraiment personnelle avant d’être, peut-être, celle de mon lectorat. Car la difficulté majeure d’un tel projet résidait d’abord dans la création entière de l’univers. Pas simplement son ébauche disséminée sporadiquement à travers le roman. Cela requérait une genèse digne d’un dieu. Sans m’en rendre compte, une cosmogonie et une mythologie surgissaient promptement du big bang qui explosait dans mon cerveau. Parviendrai-je ensuite à rivaliser divinement avec cette pensée croyante, commune à toutes les religions, qui reconnaissait la création de l’univers. Peu m’importe. Satisfait du travail accompli, je me laissais encore quelques jours pour finaliser cette genèse, cet univers qui se libérait de la pensée créatrice du dieu minusculisé que j’étais.

Cette nouvelle “Libère ton univers” présente ma ré(d)action libératrice lorsque l’inspiration survient.

2 réponses

  1. Bonjour Mich’L !

    Je l’avais déjà lue cette nouvelle sur la plate-forme ESL quand j’y fus encore 🙂

    Un plaisir de la retrouver ici. As-tu terminé toi aussi ? J’espère que l’aventure de ton recueil se passe bien et que ton autre projet avance.

    Allez, je libère le clavier, pour libérer mon imagination ! Belle journée à toi, Sabrina.

    1. Bonjour Sabrina,
      Merci pour ton commentaire. Je publierai ici toutes les nouvelles de seconde année qui ne l’ont pas encore été 😉
      Je termine dans la semaine et je ne ferai pas de troisième année. Je dois me focaliser sur la promotion de mon recueil et sur l’écriture du polar, qui a bien commencé (j’en suis à mon premier crime ^^)
      Quand reprendras-tu la formation ? Si tu la reprends !
      Bon courage et belle fin de journée à toi.

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