Le vol d'une grenouille

A travers cette nouvelle, j’ai voulu inculquer aux jeunes lecteurs une notion importante à mes yeux : vivre de ses propres ailes et ne pas hésiter à s’émanciper ailleurs !

Deux grenouilles vertes vivent dans une mare ; elle est belle cette mare mais pas très grande. Aussi, nos deux grenouilles s’ennuient un peu à faire tous les jours les mêmes jeux, les mêmes tours.
— Aujourd’hui, c’est le jour pour nous cacher dans les roseaux, propose Anoure. Dès qu’un criquet arrive, on se met à coasser très fort pour lui faire peur !
— Chut alors, lui répond Raëna, sa sœur cadette.
Et toutes deux attendent leur “compagnon de jeu”. Mais il ne fait pas encore assez chaud et le criquet ne se montre pas.

Les deux grenouilles se morfondent, cachées dans les roseaux. A ce moment, un groupe de hérons passe au-dessus de la mare. Ils ont volé depuis plusieurs heures et amorcent leur descente pour se reposer près des roseaux.
— Comme j’aimerais bien voler dans le ciel comme eux ! soupire Raëna.
— Tu es folle Raëna. Les grenouilles ne volent pas, coasse Anoure.
— Et pourquoi pas, répond Raëna, tout en sortant de sa cachette.
— Tu me coasses les pattes … Et où vas-tu, interroge Anoure, un peu déçue que sa sœur ne réagisse pas à cette blague. Elle qui est très friande de ses plaisanteries.
— Je vais demander au héron s’il veut me faire voler, annonce la cadette.
Sans attendre la réponse de sa sœur, Raëna pousse sur ses pattes arrières et, d’un bond, elle se retrouve à côté d’eux. Anoure hésite à la suivre. Pour tout dire, elle a peur car les hérons mangent les grenouilles. Ce que semble avoir oublié Raëna.

Timidement, Raëna s’approche du chef, qui surveille sa troupe. Elle salue le héron, se présente puis annonce son idée. Le héron tourne autour de la grenouille comme pour mieux l’apprécier. Quelle décision prendre : la faire voler ou la manger ?! C’est vrai que le voyage a été long et épuisant, et il se mettrait bien quelque chose dans le ventre. Devant l’air rassuré et nullement effrayé de la grenouille, il décide finalement de répondre.
— En voilà une grenouille déterminée, dit le héron. Je suis Sandré, chef de cette troupe. Alors, comment puis-je t’aider Raëna ?
— Je ne sais pas encore, répond la grenouille, mais j’aimerais tellement voler avec vous.
— Moi, je sais, annonce fièrement Anoure, qui venait de rejoindre sa cadette.
— Nous t’écoutons alors, rétorque Sandré. Raëna, comme les autres hérons, tendent une oreille attentive.
— Couper une tige d’un roseau très solide, deux hérons la prennent dans leurs pattes et Raëna enroule sa langue autour de la tige, propose Anoure.

Sandré approuve d’un claquement de bec. Aussitôt, un héron s’exécute puis apporte une tige de roseau suffisamment grande.
— Où veux-tu voyager, demande Sandré à Raëna, très excitée et impatiente de voler.
— Mmmm … emmène moi dans une autre mare, finit-elle par dire. Oui, voilà, une autre mare. Je veux rencontrer d’autres grenouilles.

Le chef attrape l’extrémité libre de la tige dans ses pattes et détend ses ailes. Son copilote en fait autant. Raëna projette alors sa langue autour de la tige puis la mord fermement. D’un geste elle invite sa sœur à la rejoindre. Ce n’était pas prévu mais elle voulait récompenser Anoure pour ses idées géniales.
— Prêtes, les filles ? demande Sandré. Toutes deux répondent en levant le pouce de leur patte avant.

Les deux hérons s’envolent et s’élèvent au-dessus de la mare. D’abord lentement pour que les grenouilles s’habituent puis plus vite jusqu’à atteindre les nuages. Nos deux grenouilles sont étourdies par l’air mais tellement excitées. C’est grisant de sentir le vent caresser son corps ou de mieux apprécier le soleil lorsque, de ses rayons, il les réchauffe. Les grenouilles, qui n’avaient guère quitté les alentours de leur mare, s’émerveillent des paysages sous leurs yeux. Des prairies, des forêts. Tant de couleurs défilent sous elles ! Pendant une heure, les deux sœurs font une expérience qu’elles n’oublieront jamais. Quelle merveille !

Les deux grenouilles aperçoivent une mare immense, comme elles n’en ont jamais vue.
— Nous allons descendre près de ce point d’eau pour nous reposer et nous désaltérer, annonce Sandré.
Les hérons se posent sur sa rive, à proximité d’un tronc d’arbre immergé. D’autres arbres aux branches effleurant l’eau, et des roseaux aux tiges dressées très haut, bordent cette étendue d’eau. Sur ce tronc, une grenouille rousse se fait dorer au soleil. Plouf ! Elle s’est réfugiée sous l’eau pour échapper aux hérons.
— Reviens, s’écrie Raëna.
Trop tard. L’amphibien s’est enfui, dissimulant son parcours sous les grandes feuilles arrondies des nénuphars flottants calmement à proximité de son plongeoir.
— Notre présence te porte préjudice, Raëna, explique Sandré. Notre alliance était contre-nature mais je ne regrette pas de vous avoir aidées. Portez-vous bien dans votre nouvelle mare.
— Vous allez tous nous manquer, répond tristement Raëna.
— Nous reviendrons vous voir et prendre de vos nouvelles. Amusez-vous bien et faites vous de nouveaux amis, dit Sandré. Sur ces paroles, les hérons prennent leur envol.

Pssst ! Les deux grenouilles se retournent pour apercevoir deux yeux dorés affleurer au niveau de l’eau. Devant l’absence de réaction de Raëna et d’Anoure, une grenouille hisse alors sa tête rousse hors de l’eau.
— Les hérons vont revenir ? questionne-t-elle, trop craintive de reprendre son bain de soleil si ces deux prédateurs à plumes revenaient.  
— Je doute les revoir un jour, répond Raëna. Tu peux sortir, tu ne crains plus rien.
La grenouille s’approche alors des deux amphibiens, trop contente de voir des grenouilles d’une couleur différente de la sienne, et poursuit la conversation.
— Je me nomme Peloé. Je suis une grenouille rousse, comme la plupart des grenouilles de cet étang.
— Chouette de nouvelles têtes, s’écrie Raëna.
— Il fait bon vivre ici, reprend Peloé. Et la nourriture est abondante : petits poissons, tritons, quelques lézards mais surtout beaucoup d’insectes.
— Il y a des criquets dans cet étang ? demande Anoure.

Peloé acquiesce. Raëna se sent déjà chez elle dans cette nouvelle mare et s’imagine alors y faire de nombreuses facéties. Criquets, prenez garde !

Les voyages apportent donc énormément à ceux qui les entreprennent. Ne dit-on pas qu’ils forment la jeunesse ?! Alors n’hésitez pas entreprendre le vôtre par la lecture de mon recueil…

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