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Le serment de Coethi
Dans cette nouvelle, j’ai revisité le chef-d’oeuvre de Rudyard Kipling : “Le livre de la jungle”, et un extrait en particuliers dans lequel le serment de Coethi se réfère aux péchés capitaux attribués aux animaux.
Coethi, petit d’homme, avait été recueilli par une famille de singes. Elevé comme l’un des leurs, il avait grandi au milieu de la jungle d’Afrique du Sud et s’était approprié le mode de vie simiesque. Tandis qu’il apprenait les lois âpres de la jungle, il fut accepté par les animaux sauvages. Ses amis se comptaient parmi une étonnante ribambelle d’animaux dont il avait appris le langage.
Mais Coethi a un regret : la ressemblance des singes avec les Hommes. A cause des exactions humaines commises sur les animaux, ils furent donc craints et, par principe, rejetés. Exclus malgré eux de cette faune hétéroclite.
Alors, sur les conseils avisés de son plus vieil ami, le Grand-duc Salomon, Coethi décida de réunir les animaux et de remédier à cette situation. Parce que la présence de ce rapace nocturne était indispensable, Coethi décida de réunir les animaux dans deux nuits. La lune serait pleine.
Le lieu du rassemblement était symbolique pour Coethi. Un temple abandonné mais dont les merveilles enrichissaient encore l’inépuisable ornementation de l’architecture humaine. A proximité, suintait une source dont l’écoulement se produisait exclusivement la nuit. Une particularité que même la sagesse de Salomon ne justifiait pas.
Les animaux affluaient à leur rythme. Chacun trouvait sa place dans cette construction de pierres. Un mur effondré, une pierre isolée, une statue, un enchevêtrement de lianes, une branche, etc. N’importe quel lieu où se reposer. A cet instant, le temple ressemblait à une arche. Si l’analogie était évidente dans l’esprit de Coethi, l’objectif présageait d’une toute autre issue. Le clair de lune conférait plutôt une influence favorable à un dénouement heureux.
Coethi se tenait au centre d’une esplanade, aux abords du principal édifice du temple. Autrefois aménagée comme un lieu de promenade, son sol était emprisonné par les racines aériennes des arbres poussant sur le monument.
— Votre présence me ravit le cœur, énonça Coethi. Soyez remerciés pour cela ! Nous allons pouvoir débuter notre séance.
Salomon bouboula son approbation. Des animaux lui répondirent. Coethi attendit donc que le brouhaha cesse avant de poursuivre.
— Vous me connaissez depuis longtemps. Plusieurs années de vie d’Homme. Mais ma famille d’adoption est meurtrie par votre indifférence. Notre discussion ne servira qu’un but : accepter le peuple singe !
Les critiques fusent. Chacun voulait faire entendre son désaccord. Un éléphant barrit avec toute la véhémence dont son espèce pouvait faire preuve. Le silence revint peu à peu. Coethi remercia l’éléphant dans sa langue, avant de poursuivre.
— Vous méprisez les singes, pourtant l’Homme descend du singe. Je suis un homme. Me méprisez-vous pour autant ?
Silence.
— Ils sont fourbes, s’écria une voix perdue dans l’assemblée.
— Comme les hommes, insista une autre. Ils se tiennent debout. Comme les hommes, ils manient des objets pour nous pourchasser… Nous devons les chasser, comme les hommes !
— Ils ne vous pourchassent pas, ils protègent leur territoire, leur famille, rétorqua Coethi. Respectez cela et vous n’aurez plus à les craindre.
— Et cela nous protégera de leur colère ? rugit Leoposs, lion mâle que l’absence de crinière rendait irascible.
A cet instant, le vent souffla aussi sa colère dans un arbre proche.
— Voyez comment la Nature peut se mettre également en colère. Et sa colère peut causer des ravages importants. Pourtant, vous ne lui en tenez pas rigueur.
Un singe profita de l’occasion pour en descendre, et rejoignit Coethi.
— J’aurais pu éprouver de la colère à vous écouter (le singe agita violemment les bras au-dessus de sa tête, se frappa le poitrail plusieurs fois et montra les crocs puis se ressaisit) mais cela conforterait votre jugement.
Les animaux craintifs par nature se réfugièrent où ils purent ou se recroquevillèrent à leur place. D’autres manifestèrent leur mécontentement par des cris d’une intensité extrême.
A nouveau, l’éléphant fit revenir le silence. Coethi poursuivit son discours.
— Je vous présente, Mu’Loobee, mon père adoptif, expliqua l’adolescent. Il est prêt à discuter. Essayez de vous entendre ! Nous devons apprendre à nous respecter, à accepter nos différences et à vivre en harmonie (silence pour favoriser l’attention de son auditoire). Jugez la réaction de Leoposs. Sa colère était-elle justifiée ? (Regard vers le lion) Crois-tu que ta différence te permette de recourir à la colère, à la violence ?
Le lion se coucha au sol, le museau reposant sur ses pattes avant croisées. Tout penaud qu’il était, il finit par admettre un comportement exagéré, inapproprié.
— Tous, dans cette assemblée, vous n’êtes pas exempts d’une telle conduite, parfois fondée sur d’autres émotions. Mais ne croyez-vous pas que vous vous comportez comme les hommes ?
Coethi énonça les péchés des hommes à son auditoire animalier, puis appuya ses propos en prenant exemple sur certains membres de l’assemblée.
— Gaafly, trop avare pour partager ta nourriture (le chacal ne broncha pas). Nersoose, trop envieuse des pattes d’animaux (la serpente aux trois yeux ne siffla mot). Vukela, trop orgueilleuse lorsque tu te pavanes en étalant les plumes blanches de ta queue en éventail (la paonne criailla son désaccord). Boopotu, trop gourmand, tu finiras par ressembler à un hippopotame (le phacochère avala ses paroles sans grouiner). Lesaros, trop paresseux du moindre effort (le potto réagit, doucement). Ba’Gora, trop de comportements luxurieux (l’antilope noire pointa ses cornes vers Coethi, en signe de défi).
L’auditoire reporta son attention sur les animaux cités. Leur malaise démontrait la réussite de Coethi. Il termina donc son discours.
— Si vous vous comportez comme les humains, les hommes pouvant changer, alors vous aussi. Ne reniez plus le peuple singe !
Le serment de Coethi laissa dubitatif son public. Les mentalités changeraient, à n’en pas douter. Du moins l’espérait-il ? Il quitta le temple car un autre souci retenait son attention : les poissons détestaient être mouillés !
J’espère que la morale de cette nouvelle “Le serment de Coethi” vous fera réfléchir sur l’absurdité de notre comportement par rapport aux différences.